Congo : la guerre de l'Est

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La Guerre de l’Est
10/01/2013 Congo

Le père Jean-Baptiste MALENGE, journaliste de profession, nous a écrit sur la situation des Oblats au Congo et sur la guerre qui se mène dans l’est du pays.
Les territoires desservis par les missionnaires Oblats de la R. D. Congo se situent à des centaines de kilomètres de la province du Nord-Kivu, théâtre de la guerre actuelle. Sur la carte, Goma, le chef-lieu de la province du Nord-Kivu, est pratiquement aux antipodes de la capitale Kinshasa, où vivent la plupart des Oblats.
Avec Kinshasa, trois autres diocèses desservis par les Oblats partagent le même fuseau horaire: Lolo (Province de l’Equateur), Kikwit et Idiofa (Province du Bandundu). Seule la paroisse d’Opala, du diocèse d’Isangi, dans la Province Orientale, se trouve sur le fuseau horaire de l’est du pays. Mais Opala est à des centaines de kilomètres de Goma.





Pourtant, la guerre actuelle ne manque pas de toucher les Oblats de Marie Immaculée, dans leur apostolat et dans leur vie. Leur prière ne peut oublier les souffrances des compatriotes de l’est du pays. Les guerres sont récurrentes dans l’histoire du pays depuis l’indépendance, et si le théâtre en est loin aujourd’hui, il a déjà été proche des Oblats. En 1998, des missionnaires ont quitté le diocèse d’Isangi devant l’occupation par l’armée rwandaise. En 1964, trois Oblats belges ont perdu la vie à Kilembe, dans la province du Bandundu.


Depuis avril 2012, la guerre sévit «dans l’est» du pays. Des journalistes laissent dire que la guerre est «à l’est» du pays. La persistance dans l’erreur grammaticale cache un état d’esprit correspondant. Puisque la plupart des médias sont basés à Kinshasa et que les médias étrangers se nourrissent à partir de Kinshasa, on fait constater que de fait, dans la capitale Kinshasa, on vit parfois comme si la guerre se déroulait hors du territoire national. Les longues distances feraient parfois atténuer les échos de la souffrance des autres compatriotes.


Des querelles politiciennes couvrent aussi trop souvent les échos de la guerre. Les propos des hommes politiques traduisent surtout la divergence de vues sur les causes de cette guerre. Et l’incapacité d’y mettre fin. C’est tout le problème de l’Afrique: un demi-siècle après les indépendances, on ne sait pas quand et jusqu’à quand il y a intégration, partage d’un sentiment citoyen entre des diversités de peuples réunis de force, dans un espace dessiné par le colonisateur. Dans le Kivu congolais, on rappelle l’origine rwandaise des peuples Hutu et Tutsi. La guerre du Kivu serait essentiellement le fait de l’ethnie Tutsi, «à la nationalité douteuse», puisque des membres de cette ethnie auraient trop d’accointances avec le régime au pouvoir au Rwanda. Et l’on rappelle sans trop de peine le conflit entre Hutu et Tutsi, qui a culminé, en 1994, dans un «génocide». Que le Rwanda ait attaqué plus d’une fois la RDC dans l’intention affichée de démanteler des forces hutu «génocidaires» du Front Démocratique pour la Libération du Rwanda (FDLR) est un simple prétexte, aux yeux des peuples du Kivu qui accusent plutôt les desseins hégémoniques du groupe nilotique du Rwanda et de l’Ouganda soupçonné de vouloir dominer sur les peuples bantu de la région…


Pour l’épiscopat catholique congolais, les incessantes guerres de l’est visent l’émiettement du pays. Les évêques abondent ainsi dans le sens de l’opinion bien répandue dans le pays. L’Eglise a fait organiser des marches de protestation pour dénoncer et décourager toute tentative de balkanisation. Le 20 décembre 2012, le président Joseph Kabila a reçu le Comité permanent des évêques pour demander la vigilance et le soutien de l’Eglise. Les évêques ont, à leur tour, rappelé au Président leur message du 5 décembre 2012, intitulé «Peuple congolais, lève-toi et sauve ta patrie. Fidélité à l’unité nationale et à l’intégrité territoriale de la RD Congo ». Le message porte sur la situation sécuritaire du pays: «Dans nos différents messages antérieurs, nous avons condamné le projet de balkanisation de la RD Congo, l’exploitation illégale des ressources naturelles, la prolifération de milices et groupes armés.»


L’Eglise catholique peut-elle forger une nouvelle force de mobilisation? En 1994, au premier Synode des évêques pour l’Afrique, elle a décidé de s’appeler «Famille de Dieu», notion tirée de la Bible et de la culture africaine comme le philosophe Placide Tempels l’avait découvert et révélé dans le sud de la RDC où il a vécu avant l’indépendance du pays. Le défi reste bien celui de vivre ensemble égaux et différents dans un pays aux frontières héritées de la volonté des autres.


Le 23 janvier 1964, à Kilembe, dans le diocèse d’Idiofa, trois missionnaires Oblats belges ont été tués par des rebelles. A méditer l’histoire de la mission au Congo, on ne peut manquer de penser à ce martyre et à celui d’autres missionnaires et laïcs victimes de la violence. Le 1erdécembre 1964, à Isiro, dans la Province Orientale, les mêmes rebelles lumumbistes ont assassiné la sœur Marie-Clémentine Anuarite. En 1985, le pape Jean-Paul II a béatifié la religieuse, la donnant à l’Eglise de la RDC comme modèle de résistance contre le péché.


Les Oblats et tous les catholiques qui accueillent l’Enfant de Noël savent qu’il apporte la paix à l’humanité traversée par la violence, dominée par la volonté de puissance. Les Oblats et tous ceux qui communient au sang du Christ savent qu’ils partagent son intimité et qu’ils s’engagent comme lui, si nécessaire, à donner de leur sang et à ne jamais verser celui d’un autre.

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