Mariage et différence tribale

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Mariage et différence tribale

Ma nièce n’est plus fiancée. Je ne vous parlerai pas de son mariage. Il n’a pas eu lieu. Il n’aura peut-être plus lieu. Les fiançailles se sont rompues, et sauf abus de langage, on ne peut vraiment pas parler de divorce.

A qui la faute si ma nièce est aujourd’hui une ex-fiancée ? La demoiselle et le jeune homme se rejettent mutuellement la responsabilité. Peut-être que chacun a raison. Et tort à la fois. Chacun évoque même Dieu qui n’aurait pas voulu les voir se marier. Mais Dieu ne m’a rien dit à ce propos.


Ce qui a fait rompre les fiançailles, ma nièce l’attribue à la différence des appartenances tribales. Le père de l’ex-fiancé aurait refusé se voir son fils épouser une fille d’une autre tribu que la sienne. J’ai déjà entendu plusieurs fois le même argument. Le même prétexte. Malheureusement. Et il ne s’agit pas toujours de fiançailles ni de mariages qui se rompent. On refuse la différence ou on accuse la différence pour bien d’autres cas. Prenons les partis politiques. La loi congolaise interdit la formation d’un parti politique sur base tribale. Mais je connais des dizaines de partis politiques dont les chefs ne peuvent appartenir qu’à la tribu du fondateur si ce n’est pas le fondateur lui-même. Et la majorité des membres proviennent de la même tribu. Vous me direz que c’est par hasard, et nous allons le vérifier bientôt grâce aux élections.

J’ai entendu dire dans ma tribu qu’il valait mieux planter son oseille juste derrière la case. Vous pouvez alors y recourir même sous la pluie, et vous aurez de quoi manger. J’ai entendu aussi souhaiter qu’un chasseur de perdrix place au fond de la vallée un membre de sa tribu. Lorsque la perdrix touchée par une flèche va échouer dans la vallée, elle vous sera forcément rendue. Un étranger ne peut pas être honnête à ce point.

J’ai entendu bien d’autres conseils du même genre. J’en ai entendus jusque dans les Eglises, toutes confessions et dénominations confondues. On s’appelle frères et sœurs, mais il y en a qui sont plus frères et sœurs que d’autres.

Le père de l’ex-fiancé de ma nièce, celui que l’on accuse d’avoir fait rompre les fiançailles, a sans doute assimilé pareil conseil. Mais que sait-il vraiment de la tribu et des tribus ? Lors des élections prochaines, au niveau local ou national, je voudrais bien voir un candidat à la députation ou à la présidentielle rassembler tant de voix pour se faire élire par les seuls membres de sa tribu. Je voudrais voir si le père de l’ex-fiancé de ma nièce n’aura pas besoin, s’il est candidat quelque part, de s’allier les voix de notre tribu et des amis de notre tribu, par alliance, par mariage, par exemple.

Lorsque, au dix-neuvième siècle, des Européens ont dépecé l’Afrique suivant leurs avidités, ils ont bien rencontré des tribus. Elles existaient. Ils les ont rassemblées de force. Et voilà plus de cent ans, nos tribus n’ont jamais vraiment décidé de vivre ensemble ou de se séparer. Mais les tribus ont une histoire, disent les historiens et les anthropologues. Avec Adam et Eve, Dieu a-t-il créé des tribus ? Les tribus n’ont pas toujours existé. Elles ont commencé.

Lorsque, par exemple, des Kinois parlent de la tribu des Baswahili, de qui parlent-ils ? Lorsque des Kinois appellent Baluba les membres de toutes les tribus vivant dans le Grand Kasai, des Batetela du Sankuru aux Bapende de Tshikapa, de qui parlent ces Kinois ? Et lorsque des journalistes occidentaux qui ne pensent qu’à des guerres interethniques en l’Afrique, de qui parlent ces journalistes lorsqu’ils parlent de la tribu des Mai-Mai ?


Jean-Baptiste MALENGE Kalunzu

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