Une question d'esprits

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Une question d’esprits

Sur les routes de Kinshasa roulent des « esprits de mort » et des « esprits de vie ». Le chauffeur de taxi qui me prend à l’aéroport va m’expliquer la vraie différence entre un « esprit de mort » et un « esprit de vie ». Et comment on peut voir et même toucher un esprit.

Le chauffeur a posé ma valise sur ses épaules, et nous avons rejoint sa voiture sur le bord du boulevard. Puis, sur les différents et multiformes tronçons de la route, nous avons approché, frôlé, et parfois nous avons presque croisé des « esprits de mort » et des « esprits de vie ». Il y en a qui vous dépassent par la gauche ou par la droite. Il y en a qui klaxonnent après vous avoir dépassés. Et vous pouvez vous demander si le code de la route dans cette ville et à cette heure de la soirée est encore le même que celui que vous connaissez.


A l’heure de pointe en cette fin de journée, les mini-bus dénommés « esprits de mort » n’attendent rien, ne vous demandent rien. Le chauffeur de taxi m’explique alors qu’à ses yeux, l’animateur de télévision élu plus tard député avait bien raison de nommer de tels véhicules « esprits de mort ». Sur les routes de Kinshasa, la mort était fréquente et presque sûre à l’approche d’un « esprit de mort ». Sur les routes de Kinshasa, beaucoup ont perdu la vie à cause de l’incivisme, de la délinquance de chauffeurs de ces véhicules dont l’état technique laissait toujours à désirer.

Le chauffeur de taxi m’a révélé être lui-même un ancien conducteur d’un pareil véhicule. Mais il proteste contre la généralisation : jamais il n’aurait accepté d’être rangé parmi les chauffeurs des « esprits de mort ». Il n’a jamais eu leur comportement. Il me dit alors que l’esprit de mort n’est pas du tout le véhicule. L’esprit de mort, explique-t-il, c’est bien plutôt l’esprit du conducteur.

Le chauffeur de taxi en veut pour preuve le manque de conversion, de reconversion véritable lorsque d’anciens chauffeurs de mini-bus dénommés « esprits de mort » ont eu la chance de pouvoir se recycler dans les nouvelles compagnies de transport en commun, qui ont mis à leur disposition des véhicules tout neufs, dans un état technique impeccable. Ceux qui continuaient à pécher, ce sont les chauffeurs et non les véhicules. Les anciens chauffeurs ont tempéré leur ardeur, ils ont changé de comportement, juste le temps des recrutements, des essais et de la formation pour les entreprises des « esprits de vie ».

Mais un esprit de mort, commenta le chauffeur de taxi, devient peut-être alors plus intraitable. Le chauffeur de taxi paraphrasa Jésus de Nazareth qui a dit que le diable chassé peut devenir sept fois plus méchant et revenir causer plus de mal dans le corps dont il a été expulsé.

La différence entre les « esprits de mort » et les « esprits de vie » réside donc dans l’esprit humain. Dans l’esprit du chauffeur. Et dans son cœur. C’est le chauffeur qu’il faut convertir bien avant d'améliorer l’état technique du véhicule.


Jean-Baptiste MALENGE Kalunzu

jbmalenge@gmail.com

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