Punir ou éduquer ?

Au cœur des jours et des nuits

Punir ou éduquer  ?

La discussion, dans le bus, portait sur l’éducation et la punition. Mais un bus n’est pas une salle de classe ni de conférence. Le sujet n’a pas été soumis par un professeur. C’est un chauffeur qui nous l’a imposé. Il s’agit plutôt de deux chauffeurs. Leurs véhicules se sont cognés. L’embouteillage a donc puni tous les autres véhicules et leurs passagers. Nous nous sommes tous plaints.

Les véhicules des deux chauffeurs se sont cognés, peut-on dire. Il faut plutôt reconnaître que les deux chauffeurs ont fait se cogner leurs véhicules. Plus concrètement encore, les deux chauffeurs sont descendus des véhicules et ils ont tenté de se cogner. A coup de poings, après une bonne quantité de cris et d’injures. Chacun prétendait suivre les règles de la bonne conduite, du code de la route.


Les autres véhicules attendaient, bien sûr, le policier qui viendrait départager les deux chauffeurs. Mais il n’y avait aucun policier en vue. Les coups de klaxon des autres véhicules ne firent qu’énerver davantage les uns et les autres. Et dans l’impatience de l’attente obligée, chacun se mit, dans mon bus, à proposer la solution. La solution pour le moment et la solution à long terme, pour les jours, les semaines et les mois à venir, la solution pour toujours, pour tous les chauffeurs, les bons et les méchants, les qualifiés, qui ont un permis de conduire en bonne et due forme et les autres, dont on ne saura jamais dire combien de jours ils ont mis pour apprendre à conduire un véhicule.

La plupart de mes compagnons de bus avaient un verdict : il faut punir les mauvais chauffeurs. Les punir, c’est leur arracher le permis de conduire mais aussi les mettre en prison. Il faut plutôt les fouetter tout nus, ajoutaient d’autres. Et les plus solennels rappelaient qu’un général de police avait imposé la discipline sur les routes de la ville lorsqu’il s’était mis à faire fouetter ou à fouetter de sa main les mauvais chauffeurs. Tout en reconnaissant le fait, on se demanda aussi pourquoi la leçon n’a pas été retenue pour longtemps. Il faudrait donc fouetter et fouetter toute la vie. Ce n’est pas alors l’éducation. Les chiens, on les fouette autant de fois que nécessaire. Ils obéissent au coup par coup, mais jamais ils ne retiendront la leçon. Faut-il traiter ainsi les humains ? Et pourquoi des humains proposent-ils ce traitement humiliant, dégradant ? La nouvelle pédagogie et le respect des « droits de l’homme » déconseillent et interdisent la bastonnade !

Faut-il punir ou éduquer ? Ce fut donc le sujet de la discussion, en attendant le policier qui ne se pointait nulle part à l’horizon. Fallait-il donner raison à l’un ou à l’autre chauffeur ? Ou fallait-il en punir un seul. Pour demain, après-demain et les jours, les semaines et les mois à venir, rien ne nous garantit contre la conduite irresponsable des chauffeurs.

Punir ou éduquer ? Les Kinois et les Congolais en général répondent spontanément qu’il faut punir. Le pays va mal à cause de l’impunité, disent-ils. Mais très peu, en même temps, acceptent les jugements des cours et tribunaux. Les Kinois et les Congolais en général ne font pas confiance à la justice. Mais les Kinois et les Congolais en général ne se rendent peut-être pas compte que la plupart des délinquants de nos prisons sont des récidivistes. Ils ont subi des sanctions bien des fois, mais rien ne semble les avoir convertis. Peut-être faut-il les éduquer.

 Un général de police a répondu que jamais la police n’avait prétendu être spécialisée dans la pédagogie. Le général de police s’étonnait de constater que plusieurs parents lui proposaient d’enrôler leurs enfants difficiles.

Jean-Baptiste MALENGE Kalunzu

jbmalenge@gmail.com

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