Les cacahouètes, l’argent et le plaisir



Au cœur des jours et des nuits
Les cacahouètes, l’argent et le plaisir

Mon ami s’est fait gronder littéralement dans la rue par des amis qui ne sont pas du tout mes amis. On lui a dit qu’il était orgueilleux, qu’il voulait se faire passer pour un riche. L’ouvrier qu’il est gagne 50 000 Fc (francs congolais) par mois. Et il a dépensé, d’un coup, 2000 Fc pour acheter des cacahouètes. Mon ami dit avoir eu faim et qu’en plus, les cacahouètes, sa grand-mère peut témoigner qu’il en a toujours raffolé depuis son enfance, depuis l’âge où les meilleurs garçons ne peuvent s’empêcher de voler de la nourriture. Soustraire des cacahouètes du grenier de sa grand-mère, c’était son péché mignon, même après sa première communion. Mon ami consommait les cacahouètes dans tous les états : grillées, bouillies, crues, sèches ou fraiches.

Devenu adulte, mon ami n’a pas cessé d’aimer les cacahouètes, et lorsqu’il vient de toucher son salaire, il ne peut se priver de dépenser 2000 Fc juste pour s’offrir un petit plaisir  en souvenir de sa grand-mère et de la tendre époque de son enfance. Les cacahouètes se vendent à tous les coins de rue. Il n’est pas besoin de s’asseoir ni de s’attabler pour les consommer. Les poches du garçon avaient servi autrefois à garder des cacahouètes, les poches de l’homme adulte aussi, parfois.
Mais les amis de mon ami, qui ne sont pas mes amis, ont estimé que mon ami n’avait plus le droit de dépenser ainsi 2000 Fc depuis qu’il s’était marié et qu’il avait des enfants. 2000 francs congolais auraient suffi à acheter du poisson chinchard et constituer tout un repas pour la famille. Les amis de mon ami ont cru de leur droit de donner gratuitement le conseil qui devrait rendre sage. Ne pas dépenser son argent pour n’importe quel petit plaisir, c’est la règle à observer par tout adulte qui a une famille à sa charge.
Mon ami m’a dit n’avoir pas protesté dans la rue contre ces conseils gratuits d’amis qui lui voulaient du bien. Mais mon ami m’a avoué avoir trouvé leur idée quelque peu exagérée. J’ai donné mon point de vue. Mon ami l’attendait. J’ai dit que chacun de nous devrait dépenser à la mesure de son avoir et qu’il faudrait, effectivement, ne jamais oublier qu’un pauvre reste un pauvre, qu’il n’a pas à imiter les riches qui achètent dans les grands magasins en dépensant, en une fois, le salaire annuel de mon ami.
J’ai encore pensé à mon ami le jour où j’ai retrouvé, dans une poche, un billet de 1000 Fc. Je commençais ma lessive, mais j’ignorais comment je paierais le bus pour le rendez-vous ferme qui m’attendait. J’ai béni le ciel qui m’avait fait vérifier les poches de mes pantalons et chemises avant de les tremper dans l’eau.
On peut me dire que 1000 Fc ne représentent pas une fortune. Mais on ne m’enlèvera jamais la joie d’avoir retrouvé ce billet au moment où j’en avais le plus besoin. C’est Jésus de Nazareth qui a vanté la pauvre veuve qui a mis dans les offrandes deux petites pièces de monnaie. Jésus de Nazareth a aussi parlé de la joie d’une femme et de drachmes, de pièces de monnaie : « Quelle femme, demande Jésus, si elle a dix drachmes, et qu’elle en perde une, n’allume une lampe, ne balaie la maison, et ne cherche avec soin, jusqu’à ce qu’elle la retrouve ? Et lorsqu’elle l’a retrouvée, elle appelle ses amies et ses voisines, et dit : Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé la drachme que j’avais perdue. (Cf. Luc 15,8-9).

Jean-Baptiste MALENGE Kalunzu
jbmalenge@gmail.com

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